Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique : DORS/2020-77
La Gazette du Canada, Partie II, volume 154, numéro 9
Enregistrement
DORS/2020-77 Le 7 avril 2020
LOI SUR LA RADIODIFFUSION
C.P. 2020-231 Le 3 avril 2020
Attendu que le gouvernement du Canada a conclu l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains, fait à Buenos Aires le 30 novembre 2018, tel qu’il a été modifié par le Protocole d’amendement de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains, fait à Mexico le 10 décembre 2019;
Attendu que les paragraphes 1 et 4 de l’annexe 15-D de cet accord portent sur des questions relevant de la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes aux termes de la Loi sur la radiodiffusion référence a;
Attendu que, en application du paragraphe 27(2) référence b de cette loi, le ministre du Patrimoine canadien a consulté le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes,
À ces causes, sur recommandation du ministre du Patrimoine canadien et en vertu de l’alinéa 27(1)a)référence b de la Loi sur la radiodiffusion référence a, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil donne les Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, ci-après.
Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique
Définition de Accord
1 Dans les présentes instructions, Accord s’entend au sens de l’article 2 de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.
Instructions
2 Il est ordonné au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de mettre en œuvre, par des moyens appropriés, les paragraphes 1 et 4 de l’annexe 15-D de l’Accord.
Entrée en vigueur
3 Les présentes instructions entrent en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’article 152 de la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, chapitre 1 des Lois du Canada (2020), ou, si elle est postérieure, à la date de leur enregistrement.
RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION
(Le présent résumé ne fait pas partie des Instructions.)
Enjeux
Le 30 septembre 2018, le Canada, les États-Unis (É.-U.) et le Mexique ont annoncé le dénouement des négociations en vue d’une nouvelle version de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Après plus d’un an de négociations, les trois pays ont souscrit à des engagements importants visant des aspects clés, dont l’accès au marché, les règles d’origine dans le secteur de l’automobile, l’agriculture, le travail, l’environnement, les droits de propriété intellectuelle, la culture et le règlement de différends. Cette réalisation devrait renforcer les relations commerciales trilatérales, en plus de fournir aux entreprises et aux travailleurs canadiens la stabilité et la prévisibilité dont ils ont tant besoin. L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) fait à Buenos Aires le 30 novembre 2018, tel qu’il est modifié par le Protocole d’amendement de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis du Mexique, fait à Mexico le 10 décembre 2019.
À l’annexe 15-D de l’ACEUM, le Canada a accepté :
- d’annuler une ordonnance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui interdit la substitution simultanée des signaux pendant la diffusion du Super Bowl, d’une part, et de ne pas accorder à cette émission un traitement moins favorable que celui qu’il accorde à toute autre émission provenant des États-Unis qui est retransmise au Canada, d’autre part (paragraphe (1) de l’annexe 15-D);
- d’accorder aux services de programmation américains spécialisés dans l’achat à domicile un accès au marché canadien et de les autoriser à négocier des ententes d’affiliation avec des distributeurs de services de télévision IP (IPTV) [paragraphe (4) de l’annexe 15-D].
Le respect de ces obligations aux termes de l’ACEUM nécessite la prise de mesures réglementaires.
Contexte
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Le CRTC est un tribunal administratif indépendant qui a pour mandat de réglementer et de surveiller tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue d’atteindre les objectifs stratégiques définis dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) référence 1.
À cette fin, le CRTC délivre des licences exclusivement à des diffuseurs canadiens, à qui il impose des exigences en matière de présentation de contenu canadien et des contributions financières à la production d’émissions canadiennes en tant que conditions d’obtention d’une licence.
La Loi confère au gouverneur en conseil le pouvoir de donner des directives exécutoires au CRTC de se conformer aux obligations énoncées dans l’ACEUM.
En tant que tribunal administratif qui réglemente et surveille la radiodiffusion et les télécommunications dans l’intérêt du public, le CRTC est l’organisme tout indiqué pour donner suite aux engagements relatifs à la radiodiffusion définis à l’annexe 15-D de l’ACEUM.
Substitution simultanée
Le Règlement sur le retrait et la substitution simultanée de services de programmation prévoit la possibilité pour un diffuseur de demander à une entreprise de distribution par câble ou par satellite de remplacer temporairement le signal d’une chaîne de télévision par celui d’une autre chaîne qui diffuse la même émission à la même heure référence 2. Il arrive souvent que le signal d’une station de télévision américaine soit remplacé par un signal canadien diffusant des annonces publicitaires canadiennes.
La substitution simultanée permet aux diffuseurs canadiens de maximiser leurs auditoires et les revenus publicitaires tirés des émissions non canadiennes dont ils se sont procuré les droits pour le marché canadien. Sans la substitution simultanée, l’auditoire d’une émission de télévision serait réparti entre la station canadienne et la station américaine, ce qui réduirait la taille de l’auditoire pour chacune d’elle et, par le fait même, la somme que la station canadienne pourrait recevoir des annonceurs.
Le CRTC a lancé les consultations publiques Parlons télé : Une conversation avec les Canadiens (Parlons télé) [https://crtc.gc.ca/fra/parlonstele-talktv.htm] en octobre 2013, et il a entrepris un examen approfondi de la politique sur la radiodiffusion. Les consultations Parlons télé ont donné lieu à une analyse visant à évaluer la qualité et l’opportunité de la substitution simultanée, notamment pendant la diffusion du Super Bowl au Canada. Le CRTC a conclu que les messages publicitaires font partie intégrante de la diffusion du Super Bowl. Par conséquent, il a publié la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2016-334 et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2016-335 interdisant la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl au Canada, dont l’entrée en vigueur remonte au 1er janvier 2017 (https://crtc.gc.ca/fra/archive/2016/2016-334.htm).
La Ligue nationale de football (NFL), qui est titulaire du droit d’auteur portant sur le Super Bowl, a conclu avec BCE Inc. et sa filiale Bell Média (Bell) une entente qui accorde à cette dernière les droits exclusifs de diffusion du Super Bowl au Canada jusqu’en février 2020. Bell et la NFL ont interjeté appel la décision du CRTC d’interdire la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl devant la Cour d’appel fédérale, qui a confirmé la décision du CRTC.
Bell et la NFL ont ensuite interjeté appel de la décision de la Cour d’appel fédérale devant la Cour suprême du Canada. Le 19 décembre 2019, la Cour suprême du Canada a donné l’autorisation d’interjeter l’appel et annulé l’ordonnance du CRTC. La Cour a statué que l’article de la Loi sur la radiodiffusion que le CRTC avait utilisé pour rendre l’ordonnance ne lui donnait pas le pouvoir de le faire; par conséquent, la décision du CRTC n’était pas « correcte » à la lumière de la loi. Toutefois, la Cour suprême n’a pas décidé si le CRTC pouvait rendre une ordonnance semblable en vertu d’une autre partie de la Loi.
Dans ses rapports annuels d’estimation du commerce international sur les obstacles au commerce extérieur de 2016, de 2017 et de 2018, le représentant au Commerce des États-Unis a indiqué que la substitution simultanée des signaux pendant la diffusion du Super Bowl au Canada constitue un obstacle au commerce référence 3.
Services d’achat à domicile américains
Les services d’achat à domicile (également connus sous le nom de services de téléachat) consistent en des services de programmation de télévision ayant pour but de vendre ou de faire la promotion de biens et de services.
En 2003, le CRTC a publié l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de services de programmation de téléachats (Ordonnance d’exemption) qui dispense les services d’achat à domicile des exigences liées aux licences. Le CRTC avait conclu que les licences de ce type ne contribuent pas réellement à l’atteinte des objectifs stratégiques de la Loi en matière de radiodiffusion (https://crtc.gc.ca/fra/archive/2003/pb2003-11.htm).
L’Ordonnance d’exemption énonce les critères que les entreprises doivent remplir pour offrir leurs services au Canada. Ainsi, elles doivent se conformer au code et aux normes de l’industrie; offrir leur programmation sans frais à toute entreprise de distribution par câble, IPTV ou satellite qui reçoit le service; s’abstenir de diffuser des messages politiques ou religieux; et ainsi de suite. Rogers Communications Inc. (Rogers) possède et exploite un service d’achat à domicile, Today’s Shopping Choice (anciennement connu sous le nom de The Shopping Channel) depuis plus de 30 ans.
À l’heure actuelle, aucun service américain d’achat à domicile ne peut être distribué par des distributeurs par câble, IPTV ou satellite au Canada. Cette situation existe parce que le CRTC n’autorise pas d’habitude la distribution des services étrangers qu’il estime être en concurrence totale ou partielle avec un service de programmation facultatif canadien.
QVC, un service américain d’achat à domicile aimerait accéder au marché canadien. Avec l’aide d’un parrain canadien, l’entreprise a demandé l’autorisation de devenir distributeur au Canada en 2015, mais le CRTC a refusé la demande (https://crtc.gc.ca/eng/archive/2016/2016-122.htm). La décision a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, qui a renvoyé l’affaire au CRTC pour examen. En 2018, le CRTC a lancé un processus en vue du réexamen de l’affaire (https://crtc.gc.ca/fr/archive/2018/2018-80.htm), qui n’avait pas encore été mené à bien au moment où l’ACEUM a été signé le 30 novembre 2018.
Le Comité consultatif sur la politique et les négociations commerciales a conclu que l’obstination à chercher à limiter la distribution des services américains d’achat à domicile au Canada n’est pas compatible avec un accord modernisé référence 4.
Objectif
- Donner suite aux engagements associés à l’ACEUM, qui consistent à de mettre en œuvre les engagements énoncés aux paragraphes 1 et 4 de l’annexe 15-D de l’ACEUM.
- Permettre le CRTC d’établir des règles selon son propre processus afin de se mettre en conformité avec les engagements en question, préservant ainsi l’indépendance de l’organisme.
Description
Les Instructions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes concernant la mise en œuvre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (les Instructions) demandent au CRTC de mettre en œuvre, par des moyens appropriés, les engagements du Canada énoncés à l’annexe 15-D de l’ACEUM.
Élaboration de la réglementation
Consultation
Le CRTC est conscient des engagements pris par le Canada aux termes de l’ACEUM, qui consistent à annuler l’ordonnance interdisant la substitution simultanée des signaux pendant la diffusion du Super Bowl et à accorder aux services américains d’achat à domicile, y compris aux versions modifiées de tels services, un accès au marché canadien. Le CRTC a été consulté au sujet des Instructions et il est prêt à se mettre en conformité avec ces engagements dès l’entrée en vigueur de l’ACEUM.
Les points de vue des parties prenantes sur les engagements relatifs à la radiodiffusion sont accessibles au public, car ils ont été recueillis dans le cadre des audiences Parlons télé et de l’instance relative à la demande de QVC.
Durant les audiences Parlons télé, le CRTC a reçu environ 90 plaintes de Canadiens au sujet de la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl, qui avaient indiqué qu’ils préféraient écouter les annonces américaines. Même si le respect de l’engagement de rétablir la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl limitera la capacité pour les Canadiens de regarder les messages publicitaires américains à la télévision, ces derniers pourront voir les annonces américaines sur les sites Web d’entreprises, ainsi qu’à partir d’autres plateformes, dont YouTube.
Rogers, propriétaire et exploitant de l’unique service de téléachat canadien, a tout d’abord exprimé des inquiétudes quant à la demande présentée par QVC en vue d’accéder au marché canadien. Il est à noter que certains Canadiens se sont prononcés en faveur de la demande de QVC en octobre 2015 référence 5.
Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones
Conformément aux exigences de la Directive du cabinet sur l’approche fédérale pour la mise en œuvre des traités modernes, une évaluation des incidences possibles des traités des Instructions a été réalisée. Aucune incidence n’a été relevée.
Choix de l’instrument
La possibilité de mettre en œuvre les engagements selon une approche législative a été considérée, mais une telle approche n’a pas été jugée appropriée étant donné que le CRTC est le tribunal administratif indépendant chargé de réglementer et de surveiller le système canadien de radiodiffusion.
Les Instructions transmettant les directives du gouverneur en conseil au CRTC sont l’instrument qui convient le mieux à la mise en œuvre des engagements relatifs à la radiodiffusion, énoncés à l’annexe 15-D de l’ACEUM. Cet instrument respecte la structure existante de la Loi.
Analyse de la réglementation
Avantages et coûts
Les Instructions satisfont aux obligations du Canada aux termes de l’ACEUM tout en permettant au CRTC d’établir des règles selon son propre processus afin de se mettre en conformité avec les engagements en question, préservant ainsi l’indépendance de l’organisme.
À l’avenir, les instructions proposées au CRTC feront en sorte qu’elles n’interdisent pas la substitution simultanée pendant la diffusion du Super Bowl.
Le niveau de financement actuel du CRTC permet à celui-ci d’assumer le coût associé à la modification du cadre réglementaire. Le CRTC est l’organisme le mieux placé pour évaluer les autres coûts découlant des engagements énoncés dans l’ACEUM.
Lentille des petites entreprises
Conformément à la Politique sur la limitation du fardeau réglementaire sur les entreprises, les Instructions ont fait l’objet d’une évaluation des incidences sur les petites entreprises, qui a permis de constater que celles-ci ne devraient pas avoir d’incidences sur les petites entreprises.
Règle du « un pour un »
Conformément à la Loi sur la réduction de la paperasse, au Règlement sur la réduction de la paperasse et à la Politique sur la limitation du fardeau réglementaire, les Instructions ont fait l’objet d’une évaluation visant à déterminer si la règle du « un pour un » s’applique. Il a été déterminé que la règle ne s’applique pas, car les Instructions n’entraînent aucun changement dans les coûts administratifs des entreprises. Les Instructions s’appliquent à un tribunal administratif indépendant qui n’est pas motivé par la concurrence ou des fins lucratives.
Coopération et harmonisation en matière de réglementation
Les Instructions ne sont pas liées à un plan de travail ou à un engagement établi dans le cadre d’un forum de coopération officiel en matière de réglementation et auxquels le Canada est assujetti.
Évaluation environnementale stratégique
Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a permis de conclure que les Instructions n’engendreront sans doute pas d’effets environnementaux positifs ou négatifs. Une évaluation environnementale stratégique n’est pas requise.
Analyse comparative entre les sexes plus
L’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) n’a révélé aucune incidence connexe liée à la mise en œuvre des Instructions.
Mise en œuvre et conformité et application
Mise en œuvre
Le CRTC est conscient des engagements pris par le Canada aux termes de l’ACEUM, qui consistent à annuler l’ordonnance interdisant la substitution simultanée des signaux pendant la diffusion du Super Bowl et à accorder aux services américains d’achat à domicile, y compris aux versions modifiées de tels services, un accès au marché canadien. Le CRTC a été consulté au sujet des Instructions, et il est prêt à se mettre en conformité avec ces engagements dès l’entrée en vigueur de l’ACEUM. Le CRTC peut déterminer la meilleure façon de procéder pour se mettre en conformité avec ces engagements.
Conformité et application
L’application des Instructions par le CRTC fera l’objet d’une évaluation dans le cadre de la surveillance permanente des activités du CRTC, assurée par Patrimoine canadien.
Personne-ressource
Drew Olsen
Directeur principal
Politique législative et du marché
Direction générale de la radiodiffusion, du droit d’auteur et du marché créatif
25, rue Eddy
Gatineau (Québec)
K1A 0M5
Téléphone : 819‑934‑2825
Courriel : drew.olsen@canada.ca