Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés : DORS/2022-113

La Gazette du Canada, Partie II, volume 156, numéro 12

Enregistrement
DORS/2022-113 Le 20 mai 2022

LOI SUR L’IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS

C.P. 2022-531 Le 19 mai 2022

Attendu que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, conformément au paragraphe 5(2)référence a de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés référence b, a fait déposer le projet de règlement intitulé Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, conforme en substance au texte ci-après, devant chaque chambre du Parlement,

À ces causes, sur recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et en vertu du paragraphe 5(1) et de l’article 53référence c de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés référence b, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Modification

1 Le paragraphe 231(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés référence 1 est remplacé par ce qui suit :

Exception

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si, au moment de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire, l’intéressé est un étranger désigné.

Entrée en vigueur

2 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

À la suite de l’intention énoncée publiquement par le gouvernement du Canada d’abroger les dispositions législatives relatives à la politique sur la désignation de pays d’origine, cette modification d’ordre administratif a pour effet d’abroger les dispositions qui auraient empêché les ressortissants de pays d’origine désignés (POD) de bénéficier d’un sursis automatique à leur renvoi dans l’attente d’un contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue par la Section d’appel des réfugiés (SAR) à l’égard de leur demande d’asile.

Contexte

La politique sur les POD est entrée en vigueur en 2012. Elle avait pour objectif d’accélérer le traitement des demandes d’asile au Canada, dans le but de garantir une protection plus rapide aux étrangers qui en ont besoin, tout en renvoyant plus rapidement du Canada ceux dont la demande était jugée non fondée. En vertu de la politique, une liste des pays qui, selon le Canada, respectent les droits de la personne et offrent une protection de l’État a été établie en partant du principe que de tels pays ne produisent pas de réfugiés. Fondée sur cette hypothèse, la politique sur les POD prévoyait des dispositions selon lesquelles certaines protections procédurales n’étaient pas disponibles pour les demandeurs d’asile déboutés provenant de ces pays, protections qui étaient accordées à la majorité des autres demandeurs d’asile déboutés ne provenant pas de l’un des pays figurant sur la liste.

Par exemple, les demandeurs d’asile provenant de POD étaient assujettis à une interdiction de permis de travail de 6 mois, à une interdiction de faire appel à la SAR, à un accès limité au Programme fédéral de santé intérimaire et à une interdiction de 36 mois de présenter une demande d’examen des risques avant renvoiréférence 2. Une autre protection offerte à la plupart des demandeurs d’asile déboutés, mais refusée aux étrangers provenant de POD, était le sursis automatique au renvoiréférence 3 prévu au paragraphe 231(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR).

De manière générale, les demandeurs d’asile déboutés sont interdits de territoire au Canada et font l’objet d’une mesure de renvoi. L’étranger dont le cas peut être déféréréférence 4 à la Section de la protection des réfugiés (SPR) en vue d’une procédure relative à l’asile fait l’objet d’une mesure de renvoi conditionnelle en attendant la décision de la SPR ou de la SAR à l’égard de sa demande d’asile. Si la décision de la SPR est défavorable, la mesure de renvoi prend effet 15 jours après réception de l’avis en ce sens par l’étranger, à moins qu’il fasse appel à la SAR. Lorsqu’un demandeur d’asile débouté interjette appel de la décision à la SAR, sa mesure de renvoi prend effet 15 jours après réception de l’avis par ce dernier d’une décision défavorable de la SAR à l’égard de l’appel. À moins qu’il n’ait droit à un sursis au renvoi, le demandeur d’asile débouté visé par une mesure de renvoi doit quitter immédiatement le Canadaréférence 5.

Si l’intéressé ne quitte pas le Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est tenue par la loi d’exécuter la mesure de renvoi le plus rapidement possible. Les demandeurs d’asile déboutés peuvent présenter une demande d’autorisation de contrôle judiciaire d’une décision prise en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), y compris d’une décision défavorable quant à leur demande d’asile prise par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Comme mesure de protection, la LIPR prévoit certains sursis automatiques au renvoi, notamment dans les cas où une personne présente une demande d’autorisation de contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue par la SAR à l’égard d’une demande d’asileréférence 6. Cela dit, en raison du traitement différentiel accordé aux ressortissants de POD en vertu de la politique les concernant, les demandeurs d’asile provenant de ces pays ne pouvaient pas en appeler à la SAR d’une décision défavorable rendue par la SPR, ni bénéficier d’un sursis automatique au renvoi.

De 2015 à 2019, la Cour fédérale a statué que plusieurs dispositions de la politique sur les POD étaient inconstitutionnellesréférence 7. Le 23 juillet 2015, la Cour fédérale a jugé que, dans l’affaire Y.Z.référence 8, le refus d’accorder l’accès à la SAR aux demandeurs d’asile provenant de POD était inconstitutionnel du fait qu’il contrevient à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), à savoir, le droit à l’égalité devant la loi indépendamment de toute discrimination. Autrement dit, les demandeurs d’asile provenant d’un POD faisaient l’objet de discrimination fondée sur leur origine nationale. À la suite de cette décision, les demandeurs d’asile provenant de POD se sont vus accorder l’accès à la SAR, à condition de ne pas être visés par une autre restriction eu égard à l’appelréférence 9. À la suite à cette décision, les étrangers provenant d’un POD qui ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision défavorable de la SAR ne sont pas renvoyés du Canada jusqu’à ce que la Cour fédérale statut sur la demande.

À la suite de la décision Feher référence 10 rendue le 17 mai 2019, le gouvernement du Canada a annoncé son intention d’abroger la politique sur les POD et son cadre législatif. À cette même date, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a retiré tous les pays de la liste des POD, entraînant du même coup la suspension de son application jusqu’à ce que les modifications législatives et réglementaires nécessaires puissent être faites pour abroger complètement la politique sur les POD. La décision du gouvernement de retirer tous les pays de la liste des POD ne découle pas d’un changement dans les conditions de tout pays figurant auparavant dans la liste. De plus, le gouvernement a aussi conclu que la politique sur les POD n’atteignait pas pleinement son objectif de décourager le recours abusif au système d’octroi de l’asile, et les demandes d’asile présentées par des ressortissants de ces pays n’étaient pas traitées plus rapidement. Cette décision tient compte des questions relatives à la Charte soulevées par les tribunaux et a reçu un accueil favorable des intervenants concernés. Il convient de mentionner que ni le retrait de tous les pays de la liste des POD ni la présente modification n’a d’effet sur l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis.

Objectif

La présente modification est une partie des changements requis pour réaliser l’intention énoncée publiquement par le gouvernement du Canada d’abroger la législation en ce qui a trait à la politique sur les POD dans la LIPR et le RIPR. Elle n’a aucune incidence sur quiconque et ne change en rien le mode de fonctionnement actuel de l’ASFC, du fait que tous les pays ont déjà été retirés de la liste des POD par ordre du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ce qui a eu pour effet de suspendre l’application de la politique jusqu’à ce que les dispositions législatives et réglementaires aient été abrogées.

Description

Le paragraphe 231(2) du RIPR précise que le sursis automatique au renvoi n’est pas accordé si l’étranger est un ressortissant d’un POD au moment de la demande d’autorisation de contrôle judiciaire. Conformément à l’intention du gouvernement du Canada d’abroger les dispositions de la LIPR et du RIPR portant sur la désignation de pays d’origine, la présente modification élimine les dispositions qui empêchaient les ressortissants d’un POD de bénéficier du sursis automatique au renvoi prévu par règlement lorsqu’ils présentaient une demande d’autorisation de contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue par la SAR à l’égard de leur demande d’asile. La modification a pour effet de supprimer le renvoi à la politique sur les POD qui est fait au paragraphe 231(2) du RIPR.

Élaboration de la réglementation

Le 17 mai 2019, le gouvernement du Canada a annoncé, par voie de communiqué, son intention d’abroger la politique sur les POD, et le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a immédiatement retiré de la liste des POD tous les pays qui y figuraient. Cette décision a eu pour effet de suspendre l’application de la politique sur les POD jusqu’à l’abrogation législative officielle. Par conséquent, et compte tenu du fait que cette modification est de nature administrative, aucune consultation n’a été entreprise. Pour les mêmes raisons, cette modification n’a pas non plus fait l’objet d’une période d’observations du public dans le cadre du processus lié à la Partie I de la Gazette du Canada.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

La politique sur les POD n’atteignait pas pleinement son objectif de décourager le recours abusif au système d’octroi de l’asile, et les demandes d’asile présentées par des ressortissants de ces pays n’étaient pas traitées plus rapidement. En outre, plusieurs décisions de la Cour fédérale ont invalidé certaines dispositions du cadre de désignation des pays d’origine, puisque la Cour estimait que ces dispositions n’étaient pas conformes à la Charte. La présente modification procure une certitude juridique et veille à ce que le RIPR tienne compte de la jurisprudence récente et des décisions du gouvernement du Canada. L’abrogation de cette disposition n’entraînerait aucun coût puisque tous les pays ont déjà été retirés de la liste des POD. Par conséquent, la modification réglementaire n’a aucune nouvelle incidence opérationnelle, et les coûts de sa mise en œuvre sont nuls.

Lentille des petites entreprises

L’analyse du point de vue des petites entreprises a permis de déterminer que la modification n’aura pas de répercussions sur celles-ci au Canada.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas, puisque la modification n’entraîne aucun changement supplémentaire au fardeau administratif des entreprises.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Il n’existe aucun élément de coopération et d’harmonisation (avec d’autres administrations) en matière de réglementation associé à cette modification.

Évaluation environnementale stratégique

Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a conclu qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus

Aucune question relative à l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) n’a été cernée concernant cette modification.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

Mise en œuvre

La modification au RIPR entre en vigueur à la date son enregistrement. Elle n’a aucune incidence sur le mode de fonctionnement actuel de l’ASFC. Dans les faits, elle a déjà été mise en œuvre puisque tous les pays ont été retirés de la liste des POD le 17 mai 2019. Cette modification a simplement pour but d’abroger le renvoi aux dispositions sur la désignation de pays d’origine qui est fait au paragraphe 231(2) du RIPR.

Conformité et application

Aucune nouvelle mesure de conformité ou d’application n’est nécessaire pour appuyer la mise en œuvre de cette modification.

Personne-ressource

Julie Bossé
Gestionnaire
Unité de l’intégrité des politiques d’exécution de la loi en matière d’immigration
Direction des politiques sur l’exécution de la loi en matière d’immigration, les douanes et les examens externes
Agence des services frontaliers du Canada
Courriel : iepu-upeli@cbsa-asfc.gc.ca